Je n'ai pas aimé être enceinte

août 30, 2018


Entre mon tout premier article et celui-ci, plusieurs mois se sont écoulés. En vérité, mon fils est enfin né et j'ai pour ainsi dire, passer ma grossesse sous silence.

Si vous me suivez sur Instagram, vous n'êtes pas resté sans nouvelle, mais pour les autres, je vais vous expliquer tout ce qu'il s'est passé pendant ces longs mois d'attente.


Mon premier article vous racontait mon euphorie, ma joie de devenir mère, de vivre cette aventure totalement inédite. Je pensais écrire tous les jours, je pensais vous raconter les moindres détails, vous partager mon exaltation et mon bien-être.
Pourtant il n'en fut rien.
C'est ma première grossesse, mon premier bébé. Comme toutes les débutantes, j'avais tellement d'images en tête : je m'imaginais vivre chaque instant comme le plus beau du monde, arborer mon joli ventre, partager les moments d'allégresse avec mon homme et mes amies. Je voyais ces filles qui disaient : "c'est magique", c'est "la plus belle expérience dans la vie d'une femme".... et si je vous disais qu'on peut ne pas aimer être enceinte ? Que me diriez-vous ?

Continuer, malgré tout

Tout à commencé quand je suis entrée dans mon deuxième mois de grossesse. Les rendez-vous médicaux se passaient relativement bien, rien d'anormal n'a été signalé. A l'époque, comme beaucoup d'autres futures mamans, je travaillais toujours. Mon boulot n'avait rien d'extraordinaire, j'étais équipière dans un fast-food, dans le but de financer un futur projet pro.
Soyons honnêtes, ce n'est pas un travail de tout repos. C'est intense, fatiguant. Je savais qu'il valait mieux que je prévienne mon employeur de mon état de santé, pour éviter certaines tâches qui pouvaient potentiellement être incompatibles avec ma grossesse.

Je vous passerai les détails, mais disons seulement qu'on imagine toujours être protégé pendant cette période. On imagine toujours que les gens seront bienveillants et aptes à comprendre. Laissez-moi vous dire que c'est totalement faux.
Il faut se rendre à l'évidence, le monde du travail est terriblement cruel, et certaines personnes n'hésiterons pas à vous mettre en danger pour servir leurs propres intérêts.
Mes coéquipiers étaient d'une grande aide, et m'ont soutenus. Ma hiérarchie... c'était une autre histoire. Certaines tâches très physiques m'ont été assignées d'office, la plupart du temps sous le regard stupéfaits de mes collègues. Le rythme s'est intensifié, et assez rapidement j'ai commencé à ressentir le début de mon tourment.

Les premiers maux


Au départ, je pensais que c'était mon bébé qui venait se blottir au fond de mon bassin. Après j'ai pensé à des douleurs ligamentaires. On me faisait m'asseoir quelques minutes, et je reprenais mon activité éfrennée.
Etant à mi-temps, et souffrant des insomnies de la grossesse, je consacrais l'essentiel de mes heures libres à dormir pour tenter de récupérer ma fatigue et mon épuisement physique.
Finalement, les vertiges sont apparus. Ils étaient longs, aggravés par la chaleur des fourneaux, et mes douleurs au bassin devenaient de plus en plus présentes.

Un jour, je me suis réveillée un matin, tiraillée par une douleur intense, profonde. Impossible de me lever, j'avais presque le souffle coupé. J'ai signalé mon absence au travail. A ce moment là, j'ai jugé bon de comprendre ce qu'il se passait.

J'ai vu trois généralistes. L'un m'a dit que c'était normal, l'autre m'a dit que j'avais la gastro. La dernière m'a fais une prescription pour des bas de contention. Autant de choses inutiles, qui m'ont fait perdre de l'argent en consultation et en arrêt de travail. Je me suis sentie abandonnée, incomprise. Je savais qu'il y avait un problème mais personne ne me prenait au sérieux.
Parce que la réalité est celle-ci : "enceinte, ce n'est pas une maladie". Cette phrase maudite qui ne veut rien dire, qui est une excuse toute préparée pour les personnes de mauvaise foi. Je n'étais enceinte que de 2 mois, alors forcément je mentais.

Pourtant, après une journée ou j'ai clairement été poussée à bout, j'ai pris une décision. Je le sentais au fond de mon cœur, il y avait un vrai problème. J'entrais dans mon troisième mois, mes douleurs devenaient omniprésentes, et même si les 3 premiers mois sont les plus instables, je savais que ce n'était pas la nature qui suivait son cours normalement...

J'ai pris rendez-vous avec une nouvelle gynécologue. Auparavant j'étais suivie par une sage-femme remarquable, mais celle-ci m'avait conseillée de me tourner vers un généraliste ou un obstétricien car (sachez le...) une sage-femme ne peut pas donner d'arrêt maladie de plus de 15 jours.

Mon premier rendez-vous avec ma gynécologue a été sans appel. J'étais souffrante. L'activité brutale de mon travail avait accentué un phénomène pourtant bien réel dans mon corps : utérus contractile.
Depuis 3 mois, je pensais vivre des douleurs "normales", alors qu'en fait j'avais des contractions en permanence. J'aurais pu perdre mon bébé à tout moment.
J'ai été mise en arrêt immédiatement, repos absolu.

Le point de non retour


Les contractions... La plupart du temps, les femmes ignorent à quoi ressemble cette sensation, et la découvre au troisième trimestre, parfois même uniquement le jour de l'accouchement.
Je n'ai jamais connu une période sans. Pour moi, elles ont toujours été là. D'aussi loin que je me souvienne, mes premières contractions sont arrivés vers 5 ou 6 semaines. Elles ne m'ont plus jamais quittées. De mon deuxième à mon huitième mois, je contractais au moins une fois toutes les 15 minutes.

Au départ, je continuais ma vie. Je me reposais au maximum, mais je continuais de conduire, je m'occupais de l'appartement.

A 22 semaines d’aménorrhées, après un passage aux urgences, j'ai vécu un moment que je redoutais de vivre. l'information était claire, limpide :

Vous ne devez plus bouger. Vous devez rester allonger. La seule chose qui vous est permise, c'est de vous lever pour aller aux toilettes. Plus de voiture, plus de mouvement. Vous êtes en menace d'accouchement prématuré.

Je peux vous garantir que même pour une personne non sportive, assez casanière comme je le suis, cet état de fait vous prends aux tripes !
Pourtant, je pense que mon instinct de mère était déjà très fort à ce moment, et j'ai choisi d'accepter cette réalité, pour protéger mon bébé. Le premier soir fut très surprenant, je me rendais alors compte à quel point "ne rien faire" est restrictif. On a toujours envie de se lever, d'aller chercher quelque chose dans le placard...

Entre douleurs et amour



Pour survivre à un tel bouleversement, il faut être très bien accompagné. Un proche, des amis, de la famille, ou le père du bébé... peu importe, mais il faut être entourée. Je n'ose même pas imaginer à quoi peut ressembler une situation aussi inédite, quand on est seule ou que personne ne nous vient en aide.

Tout devient incroyablement compliqué : se déplacer est une épreuve, prendre une douche devient un calvaire, manger à table est inconcevable. Il faut dire que la position assise n'arrange pas les choses. A partir du moment ou le buste est à la verticale... c'est du pareil au même. Le bébé exerce une pression sur le col ce qui peut engendrer un raccourcissement, voir une ouverture de celui-ci. La douleur s'installe, et votre bébé descend petit à petit avant l'heure.

J'ai béni ma baignoire qui m'a permise de me laver en restant relativement allongée, Chéri a investi dans une tablette pliable pour manger, j'ai pris un abonnement à Netflix. J'ai essayé d'améliorer mon quotidien tant bien que mal, mais rien ne remplacera l'aide et l'amour indéfectible de mon compagnon.
Cette épreuve nous aura soudés encore plus. Il gardait tellement la tête haute, il canalisait mon stress alors que moi j'étais submergée par le doute et la peur.
Quand il rentrait le soir, après sa journée de travail, il nettoyait l'appartement, il préparait le repas. Il s'occupait de changer les litières des chats, il réceptionnait les colis postaux et prenait le temps de faire le montage des meubles de la chambre du bébé. Je suis admirative. Malgré tout ce qu'il avait à gérer, il trouvait toujours la force de me faire rire, ou de m'écouter quand j'avais besoin de parler ou de vider mon sac.

Aujourd'hui il me dit qu'il se sentait un peu comme un père célibataire. Il devait s'occuper de tout et de moi, qui était réduite au point d'avoir besoin d'être assistée comme un enfant.

Les symptômes de grossesse

Pour compléter le tableau, j'ai du accumuler une belle panoplie de symptômes de grossesse. En voici quelques un : insomnies, migraines, prurit, nausées, remontées acides, douleurs ligamentaires, anémie, carences, œdèmes, problèmes digestifs...

Oui c'est un fait, l'état de "malade" ne peut nous être octroyé : pourtant, j'ai vraiment eu la sensation d'être diminué, voir handicapée pendant cette longue période que sont les 9 mois de la grossesse. Je n'étais pas heureuse.

Tout cela se rajoutait à un fait non négligeable : mon taux de stress n'a jamais été aussi élevé que durant cette période. Toute femme enceinte sait que le stress est une immense nuisance pour le fœtus et pour la mère. On essaie de relativiser sur tout, de ne pas se poser de questions, d'avancer quoi qu'il arrive, en gardant au maximum notre self-Control et en empêchant l'anxiété de nous submerger. Pourtant, dans un cas comme le mien, il arrive un moment ou vous ne pouvez plus lutter contre votre peur et vos angoisses. 
Je ne sais pas si cela aura un impact sur mon fils un jour, je le découvrirai sûrement lorsqu'il grandira... J'espère seulement que je ne lui ai pas fais de mal sans le vouloir.

Le dernier trimestre

C'est finalement au dernier trimestre que j'ai goûté à une forme de paix. Une fois les 37 semaines révolues, j'ai pu redécouvrir un peu ma liberté perdue. Mon bébé avait bien grandi, et il était désormais sorti de la fourchette "prématuré". Il n'avait plus rien à craindre, seulement à naître. J'ai repris quelques activités, dans la mesure du possible, car j'étais tout de même à 9 mois de grossesse, et que mon ventre pesait énormément.
Beaucoup de mères disent que le troisième trimestre est le pire, le plus douloureux, le plus inconfortable. En ce qui me concerne, j'y ai trouvé un peu de calme et de sérénité, et j'ai réussi enfin à lâcher prise.

Mon sourire est revenu, et j'ai pu m'occuper de certaines choses laissées en suspens, comme finir la décoration de la chambre de mon fils. Chéri aussi a enfin pu souffler : il n'avait plus besoin de faire la cuisine, ou de sacrifier son temps libre pour s'occuper de moi.

Alors oui, je n'ai pas aimé être enceinte. Je ferai définitivement partie de ces femmes qui n'en parleront pas avec des étoiles dans les yeux et qui hésiterons à remettre le couvert. Chaque grossesse est différente, tout comme chaque mère en devenir, et chaque enfant à naître. Idéaliser cette période n'a rien de bénéfique. Il faut savoir l'apprécier si elle se passe sans problème, et en parler si ce n'est pas le cas.

J'aurais aimé lire plus de témoignages de femmes ayant traversé la même chose. Je me serai sûrement sentie moins seule et ma culpabilité de ne pas aimer ces 9 mois aurait été moins grande.
Si vous êtes dans mon cas, ne vous sentez pas démunie. Sachez que votre histoire se construit dans les épreuves, c'est un fait, mais elle n'en sera que plus belle et solide à la sortie.

Oui, vous n'aurez pas la force d'aller faire les boutiques pour votre enfant. Oui, vous n'aurez jamais la séance photo idyllique de fin de grossesse, oui, vous découvrirez que même les gestes les plus simples vont vous manquer quand on vous les interdits. Mais vous serez plus forte que jamais, et votre couple également. Vous serez un roc face à votre nouvelle vie et vous serez une mère prête à tout pour son enfant : parce que dès sa création, on se sacrifie entièrement pour qu'il ne lui arrive rien.

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